BATTAGLIA DI MONT RAZET: "C'est un endroit impossible , ils vous tirent dessus et vous ne savez pas d'où" Traduction en français du seul témoignage Italien (division Modena) sur la Bataille du Mont Razet (Menton) le 22-23 juin 1940 - "Les soldats sont fat

 

BATTAGLIA DI MONT RAZET: "C'est un endroit impossible , ils vous tirent dessus et vous ne savez pas d'où"

 

 

Traduction en français du seul témoignage Italien (division Modena) sur la Bataille du Mont Razet (Menton) le 22-23 juin 1940

 

 

- "Les soldats sont fatigués, engourdis et effrayés. On n’a pas dîné, la veille au soir, on s’est lassé, pendant la nuit dans une montée rude et fatigante, on s’est reposé rapidement et mal sur de l’herbe humide, évidemment on n’a pas pris de petit-déjeuner; et maintenant, on marche vers la ligne de feu. Il y a ceux qui se taisent, qui s’engourdissent, d’autres se donnent en commentaires de protestation, entrecoupés de jurons. Beaucoup, voyant la montée devenant raide, commencent à jeter leur affaires au sol, pour alléger les sacs à dos . Moi, qui suis en tête de colonne (le Cap.(capitaine) Gerini et le Ten.(lieutenant) De Angelis sont restés plus loin, je fais un peu la navette, de haut en bas, pour calmer si possible les esprits ou encourager et même gronder. Je passe sur le fait des sacs à dos jetés, en pensant que "si plus tard, il leur manquera à la fois la ration et la couverture pour s’abriter,tant pis pour eux..."

 

 

Mais quand je vois un "fripon" qui retire de ses epaules la caisse a munitions du fusil mitrailleur pour la poser sur le sol, j’interviens et je lui ordonne de la ramasser. "Laisse le sac à dos ! Mais tu ne peux pas aller te battre sans munitions. Reprend la caisse, tout de suite !"

 

Il me regarde mal et alors, je porte, significativement, la main au pistolet que j’ai à la ceinture. Il s’empresse d’obéir.

Nous arrivons à la base de la petite vallée qui se trouve en face de la ligne de frontière : le Passo di Cuori (le Cuore). Ici, nous avons ordre de nous arrêter et d’attendre. On se jette dans l’herbe humide et on attend.

 

La tragique journée du 22 juin, dans l’attente d’aller en ligne, nous fait imaginer milles-morts. Nous passons la matinée, aplatis un peu en dessous de Passo di Cuore, en attendant le signal d’aller de l’avant. Il pleut à flot et encore plus d’eau s’ajoute à ce que nous avons déjà sur nous. Des soldats sont éparpillés entre les broussailles et les buissons tandis que la sarabande de l’artillerie tisse, sur notre tête, les feux d’artifice des coups qui vont et qui viennent. Derrière nous, ce sont nos mortiers du 81, qui nous siffle au dessus de la tête. Les coups directs au-delà de la frontière; de Cima Basavina et des flancs du Mont Razet, les Français nous jettent des obusiers et des rafales de mitrailles. Depuis des heures, les Chemises Noires, en union avec des fantassins du 42, Rgt Infanterie (ils sont de la 6ème et de la 7ème Compagnie), combattent dans la plaine du Colle Razet et sur les versants du col même.

 

Et nous, attendons notre heure en écoutant le tambourin épais des mitrailleuses qui raconte que des hommes rampent et se jettent au sol, des coups qui tombent, des blessés qui gémissent. Et nous sommes presque pires qu’eux, ici, à rester sous la pluie, attendant notre tour.

Les premiers blessés passent, venant de la ligne de tir. Ce sont des Chemises Noires qui se déplacent encore avec leurs moyens, car ils ne sont pas blessés graves. Au cou, ils ont l’étiquette de la parties du corps blessés, nous saluent, presque joyeusement. Pour eux, le combat est terminé. Et ils nous remontent le moral avec des phrases de ce genre : "C’est un endroit impossible! Ils vous tirent dessus et vous ne savez pas d’où!" et ainsi de suite.

Nous répondons avec des phrases de vœux pour eux et de chances pour nous.

C’est un miracle que les gros mulets puissent se tenir debout sur ce chemin. Ils se donnent beaucoup le soldat Capurro, Génois, maintenant plus sérieux que jamais et le minuscule Dolmetta.

A la mi journée, nous nous réunissons juste à côté de Passo di Cuore. Le capitaine Gerini et moi trouvons refuge dans un chalet de pierres et nous nous abritons un peu des jets que Jupiter continue à nous donner sans ménagement.

Les soldats, aplatis dans les buissons, avec le fusil à l’abri dans leur manteau, sont plus trempés que jamais et tourbillonnent sous les casques.

La musique de l’artillerie continue de faire rage au-dessus de nos têtes.

 

Vers 16 heures, quand les Chemises Noires (qui sont à court de munitions) nous demandent des renforts, nous traversons la vallée de Passo di Cuori et nous nous rassemblons sous le rocher à droite où se trouve le poste avancé du Commandement de Régiment, avec le standard téléphonique. C’est un roc de plomb sous lequel quatre bâches ont été disposées pour être à l'abri des gouttes. Il y a deux ou trois capitaines: Coniando, Tavella, Tanturri et Basile, qui commande la batterie.

 

 

Au-delà du col, le brouillard est épais mais en bas, la mitraille bat toujours. Qui sait à quoi ressemble le paysage sous ce brouillard ? Plaine, montagne, côtes successives ? J’essaie en vain de me faire une idée. Je sais seulement qu’on se bat là-bas. J’espère qu’il y a beaucoup de végétation, beaucoup de verdure qui servent de protection ... Entre deux trous de brouillard, on voit un côté du Razet et, plus bas, le célèbre "Iorlino" (?) .

 

Rasile téléphone à la batterie mais le brouillard couvre immédiatement tout. Ici nous attendons encore. Puis arrive le Ten. Col. Quarante et, immédiatement après, derrière lui, un soldat qui amène l'ordre... l'ordre d’avancer.

 

Il est cinq heures de l’après-midi et la Compagnie se jette sur Passo di Cuori. Le lieutenant De Angelis et le Capitaine Cerini sont en tête et se renversent sur le chemin muletier qui tourne à gauche. Je lance les soldats un par un, dans l’ordre d’équipe. L’ennemi nous a vus (le brouillard s’est raréfié) et, du côté d’en face, il nous déchaîne contre la colère de son artillerie. Quand le dernier soldat de la Compagnie est passé et que, derrière moi, je vois le maréchal Carrega avec ses mitrailleuses, je cesse mon travail de policier et je me jette au pas. Le chemin muletier est long et semble ne jamais s’arrêter. Je n’ai pas fait plus de dix mètres que le bourdonnement des balles est terrible (qui a fait la guerre, sait ce que cela signifie ce sifflement déchirant qui, en fendant l’air, grossit et s’approche de plus en plus, me forçant à plonger).

 

Deux ou trois éclats puissants, passe très proches, à pas plus d’une dizaine de mètres au-dessus de moi.

Puis, au loin un "casse-cou" insulte les soldats qui se regroupent, effrayés, tout autour des buissons.

D’autres plonge tête basse dans l’herbe.

En courant sur le chemin boueux et glissant, les branches des buissons secoués nous déversent d’abondantes douches sur nous. De l’eau, de la boue ? Qu’importe ! On se jette, le visage dans la boue quand le ronronnement inquiétant des explosions nous atteint. Et puis, enfin, plus bas, la tête de la Compagnie est immobile, haletante. Le Lieutenant De Angelis essaie de la ranger. Je passe en tête et je vais de l’avant.

Le chemin dans les bois est boueux. Nous nous retrouvons, tout à coup, au milieu d’une patrouille de Chemises Noires, elles aussi, en marche vers la ligne de feu. Un chef d’équipe, qui la commande, me dit que ses compagnons sont déjà sur le Razet, où, encore aujourd’hui, on se bat. La mitraille crépite toujours et le vent nous laisse entendre de voix au loin, un "A nous!" de soldats lancés à l’assaut.

 

À mi-chemin de Monte Abo, la route de Passo di Cuori, fait un coude, dans le fossé et devient ensuite plate, serpentant, dans les bois, jusqu’à Colle Razet. Juste après le coude, il y a une fontaine qui laisse couler un gros jet d’eau. Trois Chemises Noires arrivent avec un Français, prisonnier...L’un d’entre eux m’avertit que "l’eau est empoisonnée". Je lève les yeux au ciel puis je me mets à rire. En effet, j’ai déjà bu et, pour le moment, je ressens rien. Je rassure les miliciens trop méfiants et font boire le prisonnier. Celui-ci, un mitrailleur de forteresse, un grand jeune homme, semble presque épuisé, j’essaie de lui parler en italien (qu’il ne comprend pas)... je connais aussi bien le français que lui l'italien et donc la conversation ne se poursuit pas.

 

J’avance dans le bois (suivi de mes soldats), sur la route, désormais plus large. Avant Col Razet, il y a un espace ouvert avec une casemate. Une mitrailleuse se met à croasser de Dieu sait où, en frappant la route devant moi. J’attends que les autres me rejoignent.

 

L'obscuritée est tombée, la forêt devient noir.

 

 

Une voix d’hommes apparus de quelque part, avance devant mon équipe, D’abord, c’est une compagnie de "chemises noires" qui s’arrête à peu de distance. Puis un peloton de mortiers de 45 dcl 42 Ftr, commandé par un petit officier et avec un accent génois sans équivoque. Puis un peloton mitrailleur, également du 42, Ftr., commandé par un long aspirant avec lequel j’échange des mots et que de ce que je saurai, s’appelle Pedemonte. Je me remets à la circulation pour réguler tout ce trafic de gens. Et enfin je pêche le lieutenant De Angelis qui arrive je ne sais pas d'où.

 

Avec lui arrive le capitaine Gerini qui nous lance résolument en avant. Je repasse dans la clairière découverte dont j’ai parlé avant et maintenant - heureusement - la mitrailleuse se tait. Nous faisons la route qui mène à Colle Razet. Je suis de nouveau en tête. A Colle Razet, il y a la 7è. Compagnie du 42, Rgt. Ftr., qui s’arrête dans les baraquements français. Un sentinelle me crie "Qui va là !" A plusieurs reprises ! je crie "qui se souvient du mot de passe?" J'essaie de me faire reconnaître car je risque de me faire tirer dessus, enfin, on se reconnaît. Dans l’esplanade de Colle Razet se trouvent les baraques maintenant occupées par nos soldats. Cette compagnie est décimée ainsi que trois officiers, le Lieutenant est blessé, Lasero, mon vieil ami, est battu par la mitraille, le troisième Oldoini, je le retrouverai mourant sur le chemin du Razet."

 

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?? Honneur aux Alpins du 76°BAF (avant-poste de Scuvion, Pierre Pointue et la Pena / point d'appui de Fascia Fonda) de ses SES (en poste au Col du Razet et Mont Abbo) et du 9°BM (point d'appui de Plan Germain).

 

 

Ils ont résisté avec courage et dévouement face aux assauts ennemis. Les Italiens bien qu'en plus grand nombre ont subis de lourdes pertes.

 

 

 



26/02/2025
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